Mot de la coordonnatrice

Caroline Cormier, Cégep André-Laurendeau

 

Le programme collégial de Sciences de la nature tel qu’on le connait sera bientôt chose du passé : une nouvelle version sera implantée à partir de l’an prochain dans les collèges. Cette mise à jour touche beaucoup de monde, puisque Sciences de la nature est l’un des programmes comptant le plus de personnes inscrites parmi tous les programmes collégiaux. En effet, en 2021-2022, plus de 28 000 personnes(16 % de toutes celles inscrites à un diplôme d’études collégiales au Québec) étudiaient les sciences au collégial préuniversitaire. Les sciences au collégial, ce sont aussi les sciences appliquées des programmes techniques scientifiques, qu’on pense seulement aux soins infirmiers ou aux technologies du génie (physique, civil, informatique…). Au total, c’est donc près de 65 000 étudiantes et étudiants qui suivent une formation scientifique au collégial.

Une telle abondance génère des réflexions riches de la part de nombreux intervenants du réseau collégial, tant les professeurs et professeures que les conseillères et conseillers pédagogiques. C’est pourquoi nous avons le plaisir de vous présenter ce numéro thématique de la revue Spectre, qui présente un vaste éventail de préoccupations, d’enjeux et de stratégies tirant leur origine du réseau collégial – et de ses corolaires.

Autour du nouveau programme, des contenus à enseigner et des occasions que ce renouveau permet, deux articles sont présentés :

• Bruno Voisard, du Cégep André-Laurendeau, présente une réflexion sur l’intégration des apprentissages à travers les cours du programme, notamment dans le but de permettre le développement d’habiletés de haut niveau.

• Martin Lepage, du Collège Laflèche, et Alain Toutloff, retraité du Cégep de l’Outaouais, présentent quant à eux des recommandations, appuyées sur leurs travaux de recherche, pour une meilleure intégration de l’interdisciplinarité dans le nouveau programme de sciences.

Dans deux autres articles, on met la table pour des discussions avec les profs, sur deux enjeux particulièrement vifs : la pandémie et l’identité de genre.

• D’abord dans leur article « Paroles de profs », Aurélie Gauthier-Houle, enseignante en physique au Cégep de Saint-Laurent, Dominic Haché, directeur adjoint, Service des ressources éducatives, au Centre de services scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSSMB), Frédéric Prud’Homme, conseiller pédagogique en mathématiques au CSSMB, Hélène Mathieu, chargée de projets, acceSciences, au Regroupement des collèges du Montréal métropolitain (RCMM) et Mathieu Dubreuil-Cousineau, conseiller pédagogique en science et technologie au CSSMB relatent des discussions interordres qui ont eu lieu entre des profs de secondaire et des profs de cégep autour des contenus essentiels, dans le contexte douloureux de l’adaptation de l’enseignement pendant la pandémie.

• Ensuite, Guillaume Cyr présente un échange qu’il a mené avec une prof, Dominique Dubuc, qui s’appuie sur son identité personnelle pour réfléchir à la façon fondamentalement binaire et dichotomique dont les contenus relatifs à la sexualité sont souvent enseignés dans les cours de biologie.

La résolution de problèmes riches – voire interdisciplinaires – dans l’objectif de faire développer des habiletés de haut niveau est une préoccupation de nombreux profs du collégial. Elle est traitée dans trois articles.

• Edward Hudson, du Collège John Abbott, présente les estimations de Fermi, ces approximations d’ordre de grandeur qui développent la pensée critique et permettent, à terme, aux étudiants et étudiantes de mieux comprendre le discours social et politique.

• David Beaulieu et Julie Roberge, du Cégep André-Laurendeau, présentent les méchants problèmes, c’est-à-dire des problèmes en situation authentique, qui participent au développement des habiletés de raisonnement scientifique et qui stimulent la motivation.

• Frédéric Parrot et Caroline Dupont, du Cégep de Sainte-Foy, décrivent une expérience pédagogique qu’ils ont vécue dans un cours entièrement développé autour d’un problème touchant à la fois à la science et à des préoccupations citoyennes.

Quatre articles parlent quant à eux de stratégies pédagogiques actives visant à soutenir les apprentissages et à contribuer au développement des habiletés de haut niveau.

• Louis Normand, du Collège de Rosemont, met la table en dressant un portrait de l’apprentissage actif, reconnu depuis plusieurs années comme la façon la plus efficace d’enseigner les sciences. Il y distingue les méthodes à risque faible de celles à risque élevé, et présente des recommandations pour son implantation.

• La classe semi-inversée comme pédagogie active est décrite par Emmanuelle Goulet, du Cégep du Vieux Montréal, qui l’a expérimentée dans ses cours de physique. Dans son article, elle décrit son dispositif et formule des conseils pratiques pour les profs.

• Une autre pédagogie active, le laboratoire par enquête guidée, est décrite par Véronique Turcotte, du Cégep André-Laurendeau. Elle présente sa recherche le mettant en scène, en tant que stratégie de changement conceptuel autour du concept de saturation, une notion de chimie qui pose souvent problème aux étudiants et étudiantes.

• Stéphan Bourget, du Cégep Vanier, présente enfin l’enseignement par modélisation, une méthode d’enseignement qui se fonde aussi sur le changement conceptuel, cette fois en physique, et qui permet de placer les étudiants et étudiantes au centre de l’action en classe.

Au fil de ces onze articles, vous découvrirez des réflexions, des pratiques pédagogiques et des résultats de recherche en éducation qui témoignent du caractère fertile des discussions sur l’enseignement des sciences au collégial. C'est avec une grande fierté que toute l'équipe de la revue Spectre vous présente un numéro thématique étoffé, pertinent et éclairé qui saura assurément intéresser les lecteurs et lectrices de tous les ordres d'enseignement.

Bonne lecture!

 

1. Données tirées du tableau Effectif à l’enseignement collégial selon diverses variables, au trimestre d’automne, Québec, de 2008-2009 à 2021-2022, de la Banque de données des statistiques officielles sur le Québec, consultée le 26 septembre 2022.